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RÉDAC
Histoires d'avocats
Le 29 novembre 1868, la France entière, et au-delà, s9émeut de l9annonce
de sa mort à Augerville-la-Rivière. Les journaux relaient le deuil de la
Nation. Excepté l9Empereur, beaucoup de ceux que Berryer a défendus, des
princes aux plus humbles, en ce compris les délégués des ouvriers charpentiers et typographes assistent ou sont représentés aux funérailles. Elles
rassemblent plus de 3)000 personnes le 7 décembre 1868. Les voyageurs
aöuent. Les trains ordinaires venant de Paris sont insuffisants. Il faut en
mobiliser deux supplémentaires.
Quelques jours avant sa mort, alors qu9on lui lit des témoignages de reconnaissance et qu9il est entouré d9amis qui viennent lui rendre visite, Berryer
disait de ses confrères : «)je les ai bien aimés, ils m9ont aussi bien aimé,
c9est une grande joie pour moi que ce souvenir [30])». D9émouvants discours répondent à cet adieu. Tel est celui du Bâtonnier Jules Grévy qui rend
hommage à l9orateur : «)M. Berryer était le prince du barreau français (&)
M. Berryer excellait dans tous les genres. Un esprit net et pratique, une dialectique vigoureuse et serrée, une rare intelligence des afaires, faisaient
de lui un avocat consommé); et nous avons vu avec quelle vigueur d9esprit,
quelle sûreté de mémoire, quelle lucidité de pensée et d9expression, il plaidait jusqu9aux derniers jours de sa longue carrière les procès les plus compliqués de faits et les plus hérissés de chifres. Mais, c9est surtout dans les
grandes causes qu9il déployait toutes les magnificences de son talent : la
belle ordonnance du plan, la fermeté du dessin, l9élévation des pensées, la
noblesse des sentiments, et, par-dessus tout, la splendeur d9une incomparable éloquence (&) partout il subjugue, il transporte ses auditeurs par la
véhémence de son action et par ses traits de feu qui sont la manifestation
sublime du génie de l9éloquence [31])».
Tous les partis témoignent de leur attachement au disparu. Un concert
unanime de regrets et d9hommages. Jules Favre écrit : «)animé de convictions qui, souvent, semblaient hostiles (à celles de Berryer), placé dans un
camp qui échangeait des défis avec le sien, je n9ai pu que peu à peu écarter
ces obstacles et lui donner une afection aussi sincère que l9avait toujours
été mon admiration. C9est là le trop fréquent résultat des divisions politiques); en nous empêchant de nous rapprocher, elles nous condamnent à
être injustes les uns vis-à-vis des autres, et quelquefois nous nous étonnons de notre erreur quand il n9est plus temps de la réparer [32])».
Ferme dans ses convictions, Berryer n9a jamais connu la haine. À la Tribune,
son humanisme profond lui a dicté ces paroles : «)si nous ne portons pas,
chacun de nous, dans l9esprit de ceux qui nous écoutent, la conviction que,
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